Thé vert ou vaccin pour prévenir la grippe?

En février dernier était publié un essai randomisé, en double aveugle contre placebo, qui ne devait pas passer inaperçu aux yeux des adeptes de médecine naturelle. Réalisée entre novembre 2009 et avril 2010 par K Matsumoto et coll., l’étude consistait à distribuer des extraits de thé vert (capsules de catéchine 378 mg/j et théanine 210 mg/j) à des travailleurs de santé japonais et à comparer l’incidence de la grippe clinique par rapport à un groupe témoin. Les résultats semblaient assez éloquents puisque, pour respectivement 97 et 98 personnes dans chaque groupe, on comptait 4 atteintes, soit 4,1 % dans le premier, versus 13 (13,1 %) pour les témoins. L’incidence des épisodes biologiquement confirmés apparaissait également plus basse chez les « traités » (1 participant contre 5), bien que la différence n’atteigne pas le seuil de significativité (sans doute à cause d’un échantillon trop petit). Et les auteurs de conclure, bien évidemment, que pour certains groupes d’individus, le thé vert pourrait être considéré comme une prophylaxie efficace de la grippe…

Reconnaissons- le : cette étude n’est pas vraiment originale et l’hypothèse que le thé vert pourrait aider à prévenir la grippe a été formulée depuis longtemps, sans cependant avoir été définitivement validée sur le terrain par un essai à la méthodologie statistiquement irréprochable. Ce n’est pas encore le cas aujourd’hui, mais force est de reconnaître que les travaux qui s’additionnent (au moins ceux qui sont publiés…) vont dans le même sens. Une autre preuve vient d’en être apportée par une étude observationnelle japonaise relevant les consommations de thé vert chez des écoliers de la région de Kikugawa, située en zone de culture du thé, en pleine période d’épidémie grippale. Des questionnaires, envoyés à 2 663 écoliers et complétés par 2 050 d’entre eux, ont permis de relever les survenues de grippe (confirmées ensuite par des tests antigéniques) et les consommations de thé, pour in fine définir des groupes de risque correspondants. Les Odds Ratio ajustés pour la grippe sont apparus inverses à la consommation d’une à moins de 3 tasses de 200 ml/ j et de 3-5 tasses/j quand comparés à celle de moins d’une tasse (0,62 ;  intervalle de confiance à 95 % IC 95 % = 0,41-0,95 ; p = 0,03 et 0,54 ; IC 95 % = 0,30-0,94 ; p = 0,03]). Au-delà de 5 tasses par jour, il n’y avait plus de bénéfice supplémentaire. Et les auteurs de conclure eux aussi, d’une phrase rapide, que la consommation de 1 à 5 tasses de thé vert/j pourrait prévenir l’infection grippale.

Alors, thé vert ou vaccin pour éviter la grippe ? Notons d’abord que les deux ne sont sans doute pas incompatibles et que certains des personnels de santé de l’étude de Matsumoto, recrutés en unités de gériatrie, avaient été vaccinés et que les auteurs avaient vérifié que cet item n’interférait pas dans leurs résultats. Le thé vert pourrait donc, à lui seul, être vraiment efficace. Les responsables de la santé publique auront-ils le courage, lors d’une prochaine épidémie, d’apparaître sur nos écrans ou dans nos journaux pour en recommander quelques tasses ?

Dr Jack Breuil

Park M et coll. : Green tea consumption is inversely associated with the incidence of influenza infection among schoolchildren in a tea plantation area of japan. J Nutr., 2011 ; 141 : 1862-70.

Publié le 13 janvier sur JIM.fr